Dans la société comique
le sérieux est aboli
Rire ou pleurer ?
Je ris pleurs
Je pleure rires
Du plein et du vide ?
Du plein ou du vide ?
Du plein vide ?
Du vide plein ?
Du trop plein ?
Du trop vide ?
De toute part, les incohérences, les inconsistances et les insistances dans le discours et le geste des politiques font reculer la raison organisatrice de l'ordre social et humain pour n'embrasser que la déraison. Ici le ridicule ne tue pas. Il ne détruit pas une société du comique où le rire s'est installé pour s'instaurer en structurance (ou processus de structurance) de la <<SITIRANS>>. C'ets-à-dire, ce qui structure et modélise notre attitude (état) de <<COMPLAISANTS>> et d'<<IRRESPONSABLES>>. Dans la société haitienne d'aujourd'hui, le rire est partout. Et, l'on rit de tout. D'un (et dans un) discours d'homme d'Etat comme l'assemblage et/ou le rassemblement désordonné de politiques dans les studios d'une station de radio où tout invite tous ceux qui s'y trouvent à rire de tout avec et entre tous. On assiste à la démesure du rire dans du rire démesuré des souffrances sociales.
En ce sens, on rit des crimes, des vols, des viols, de la médiocrité, de la corruption. Bref, on est dans le rire du <<mal social>>. La <<banalisation de l'injustice sociale>> comme l'aurait écrit Christophe Dejours. Et le pire encore, c'est qu'on en rit souvent avec ceux-là meme qui organisent, participent, alimentent et/ou exécutent toutes ces choses avec un éffarant laxisme. On rit de l'inacceptable social, politique et culturel comme on s'installe bien tranquillement et confortablement chez soi dans une grande salle entre ami-e-s (locaux et/ou étrangers) pour regarder, parler et rire de pauvres et misérables individus abusés ainsi que de minables bouffons sociaux et politiques dans toute la vétillité des vulgarités pourries de leurs déhanchements comiques.
L'humoriste français Dieudonné dans sa pièce "Cocoricco à Bobino" disait: << Pour faire marrer les gens on n'a pas besoin d'etre une lumière. C'est mieux de paraitre un petit peu couillon comme ça le public peut s'identifier. [...] On ne nait pas con, on le devient par solidarité avec son environnement.>>
Tout comme le réalisteur Haitien Raoul Peck, je dirais qu'<<on est dans l'ordre des choses>>. Ce que j'appelle autrement <<la normalité du monde d'aujourd'hui>>, c'est-à-dire <<la betise>>.
Ainsi, j'ai vu et compris qu'en Haiti la bêtise a toujours un rire fou, un fou rire. Elle rit de tout et partout. La bêtise est hypocrite. Et dans son incapacité à comprendre, elle dégage son rire de chienne dévorante. Incertaine d'elle-même, elle se noie dans le culte de la performance. Et pour se faire valoir, elle vilipende tout en tout et partout. D'aucune mesure, la démesure est sa seule manière d'etre. Les ignorances par lesquelles elle est bâtie la trompe toujours sur elle-même. Elle ne sait même pas de quoi elle est le nom. Elle se prend pour ce qu'elle ne sait pas qu'elle n'est pas. Bêtise, quand cesseras-tu de danser dans l'espace réservé à l'humain?
____________________ Voir: - Jean Duvigneaud, Rire et après? Essai sur le comique, Desclée de Brouwer, <<Sociologie du quotidien>>, 1999 - Christophe Dejours, Souffrance en France. La banalisation de l'injustice sociale, 1998 - Dieudonné Mbala Mbala, "Cocorico à Bobino" (Théatre), Voir sur Youtube - Emmanuel Kant, Esssai sur le mal radical, 1792 - Frédéric Laupies, Mal radical et radicalité du mal, Référence No 24, Janvier 2011 - Gilles Lipovetsky, L'ère du vide. Essai sur l'individualisme contemporain, Paris: Folio, 1989 - Graham Green, Les Comédiens (The Comedians), 1965 - Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963 -Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, 1900 -Michel Houellebecq, H. P. Lovercraft. Contre le monde, contre la vie, éditions du Rocher, 1991 -Raoul Peck, Assistance mortelle (Film Documentaire sur Haiti), 2013 (Voir aussi, Raoul Peck entretien avec Ruvens Ely Boyer, Youtube)
Par Jameson Primé